Valérie-Catherine Richez

Poète et peintre, Valérie-Catherine Richez est née à Paris. Elle traverse une enfance mouvementée et marquée par la mort, passant dix fois d’institutions religieuses en écoles expérimentales. Afin d’échapper à l’instabilité familiale, elle se réfugie dans la chambre la plus isolée de la maison, où elle se plonge dans la lecture et s’invente un monde secret de poèmes et de dessins.
Seule à seize ans, elle mène à Paris une vie faite d’errances nocturnes et d’étranges rencontres qui nourriront son travail, voyage longuement en Orient, dont l’influence sera profonde, puis se retire quelques années dans les Causses où elle continue d’écrire et de peindre.
De retour à Paris, elle gagne sa vie dans l’édition avec de nombreux travaux de "nègre" et d’illustration, rédigeant les livres des autres mais ne dévoilant pas ses propres textes. Ce n’est que plus tard qu’elle publiera sous son propre nom, après avoir créé la revue de poésie Tout est suspect en 1985, et fait partie du comité de rédaction de la revue littéraire L’Autre au début des années 90.
À partir de 1993, ce poète sombre, inclassable, à la vision intérieure puissante, ne cessera plus de publier et comme auteur et comme illustrateur, liant régulièrement ses deux activités dans de nombreux tirages limités.
Elle partage désormais sa vie entre les voyages, la campagne et Paris.
Extrait
Nuit des deux vies
Encore des rues, de longs couloirs sombres.
Et je marchais : toujours ce rêve. Ce chemin qui rou ait sous mes pas, tel un fleuve.
Cette fois-ci j’ignorais de nouveau où j’allais. Le courant m’emportais vers un grondement lointain.
Mais je savais confusément que ce corps m’habitait comme un étranger habite une maison, me possédait.
Je pressentais la maladie couvant en moi.
Je flairais cet intrus immobile dans mon dos.
Parfois, je tentais de recomposer mon image. Je devais d’abord reconnaître ma main, mon bras… l’épaule, puis remonter jusqu’au visage. - Était-ce encore quelqu’un d’entier ? Quelque chose, ?
Je tâtonnais l’obscure zone : une sorte de morceau d’espace reliait le creux d¹une orbite à une autre, un point incolore à un autre, privé de vie.
Je me disais pour justifier la perte, pour expliquer ce rapt : "Comprends. Essaie ! Il suffit de sentir vraiment ce déclic, de le surprendre. C’est un sursaut : un bond de tigre qui sépare en deux blocs la conscience et la chair."
Mais les DEUX côtés tendaient leurs forces devant eux - les tendaient - ne pouvaient se rejoindre à aucun endroit - ne pouvaient pas.
C’était difficile à habiter ce naufrage.
Et puis, au bout des ruelles, soudain, quelque chose d’immense, quelque chose d’ouvert qui me rappelait une empreinte de pas boueuse laissée sur un seuil. Aveuglante. Une trace finement imprimée où je pouvais lire la carte détaillée des jours qui me restaient à vivre.
( Tous ces repères jetés aux chiens à chaque instant ! )
Pourtant c’était là, bien réel. Pendant une seconde ça frémissait de sens. Et puis…
Je me souvenais : le marin criait "Terre !"
Elle, elle était là, par delà.
Éveillée folle dans un soleil intense, les paupières rougies de sel, elle fixait à jamais la ligne fuyante des vagues.
Ce qui me séparait de moi, cet insituable vide gorgé de peur, me séparait mêmement de l’espace, du vent, du bleu entêtant de la mer, de l’écume argentée perlant aux crêtes des déferlantes, des grands îlots bombées… me séparait de tout.
Là-bas, j’aurais pu prendre ma tête à deux mains et l’envoyer buter contre le mât. Je ne ressentais plus rien de vivant.
Le bois dont j’étais faite, il était déjà noir, mort, consumé.
Je me disais, la part d’aucun côté disait :
Cette fragile structure s’achève. Elle ne peut reposer - ne peut - se poser - en aucun lieu - Et - c’était comme -si - la moitié de mon corps - m’avait quittée - un coup de sabre - dans le front - et - quelque - chose - à l’horizon - inaccessible - on se - regarde - dans la glace - yeux blancs - espace entre - le monde et - T - O -U - T - distance - froid de miroir - nuit - pupilles d’autre part - visage coupé - en lanières - rubans écarlates - posés sur - RIEN - cernes bleus - cernes où -pas de larmes - du fond - d’un lointain déchiré - coupé - d’un très loin - on dresse - on tend - ses deux vies -vidées - on s’appelle
Corps secrets, Atelier des Brisants, 2002.
Bibliographie
- La Vitesse du sang, Éditions L’Atelier des Brisants, 2005.
- L’Étoile enterrée, Éditions Virgile/Ulysse Fin de siècle, 2004.
- Corps secrets, Éditions L’Atelier des Brisants, 2002.
- Des yeux de nuit, Éditions Arfuyen, 2001.
- Echappées, Éditions L’Improviste 2000.
- Petite âme, Éditions Unes, 1998.
- Lieux de rien, Éditions Unes, 1998.
- Faits d’ombre, Éditions Fata Morgana, 1993.
Tirages limités de Valérie-Catherine Richez illustrés par elle-même
ou par d’autres peintres :
- Morsures, avec une gouache de V.-C. Richez, PM Éditeur, 2008.
- La Cavité Hantée, avec 3 peintures de Philippe Hélénon, Éditions Fata Morgana, 2006.
- Le Cœur certain, avec des peintures de Philippe Hélénon, Éditions Le Livre pauvre, 2006.
- La Violence la plus proche du silence, avec 7 peintures de V.-C. Richez, Éditions Fata Morgana, 2005.
- Tout le savoir, avec 3 peintures de V.-C. Richez, Éditions Le Livre pauvre, 2005.
- Déjà tout, avec 9 peintures de V.-C. Richez, Éditions L’Attentive, 2005.
- Si grand silence, avec une encre de V.-C. Richez, Éditions New Fakir Press, 2004.
- Mains de gel, avec une encre de V.-C. Richez, Éditions Fol Mambo, 2003.
- L’étoile enterrée, avec 5 encres de V.-C. Richez, Éditions Vice Versa, 2002.
- Passe-temps, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Jacques Potte, 2002.
- Repli, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Jacques Potte, 2002.
- Blessure énergie, avec un dessin de V.-C. Richez, avec F.A. Jamme, Éditions L’Abécédaire, 2001.
- Chambre noire, avec un dessin de V.-C. Richez, Éditions Festina Lente, 2001.
- La seule part intacte, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Fol Mambo, 2000.
- Traversée, avec une miniature indienne originale, Éditions Fol Mambo, 1999.
- Sommeil, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Fol Mambo, 1999.
- Flammes, avec une peinture de V.-C. Richez, Éditions Festina Lente, 1999.
- Mirage, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Encore, 1998.
- Savoir, avec une peinture de V.-C. Richez, Éditions SLM, 1998.
- Barque blanche, avec trois gouaches de V.-C. Richez, Éditions Festina Lente, 1998.
- Volière, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Blue Lagoon, 1997.
- Fièvre, illustré d’une miniature indienne, Éditions Love Affair, 1996.
- Voilure, illustré d’une peinture populaire indienne, Éditions Love Affair, 1996.
- Battements du pouls, avec une peinture de V.-C. Richez, Éditions Sweet Badger’s Home, 1995.
- Étais-tu là ?, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Love Affair, 1994.
- Petite prière, avec une encre de V.-C. Richez, Éditions Encore, 1993.
- Pierres de lumière, avec un dessin encré de V.-C. Richez, Éditions Love Affair, 1992.
- En rond, illustré par une peinture tantrique de Raja Babu Sharma, Éditions Fakir Press, 1992.
- Veille, avec une gouache de V.-C. Richez, Éditions Fakir Press, 1992.
- C’était d’avant, avec trois dessins au stylo bille rehaussés de V.-C. Richez, Éditions Encore, 1992.
Livres illustrés par Valérie-Catherine Richez pour d’autres poètes :
- Résiste à l’absence, avec une peinture, de Jacques Dupin, Éditions Remarque, 2005.
- Les Rougets, avec 7 gouaches, de A.P. de Mandiargues, Éditions Fata Morgana, 2003.
- Amuse-gueule, avec une peinture, de Jacques Dupin, Éditions Festina Lente, 2003.
- Tears of splendour, avec 5 peintures, de Michael Tweed, Éditions Pensum Press, 2002.
- Each an Altar, avec 5 peintures, de Michael Tweed, Éditions Pensum Press, 2001.
- Delicate and white, avec 11 gouaches, de Michael Tweed, Éditions Pensum Press, 2001.
- Certainement, avec une aquarelle, de Franck André Jamme, Éditions Encore, 1998.
- Macaques dans l’arbre (grand modèle), avec une peinture, de Franck André Jamme, Éditions Festina Lente, 1998.
- Bribes, avec une peinture, de P.M., Éditions Festina Lente, 1997.
- L’Absence à parler toujours, avec une peinture, de Alain Prique, Éditions Festina Lente, 1997.
- Le Sel de l’Eden, avec une encre, de Serge Sautreau, Éditions Au Passe-Montagne, 1997.
- Jouets cassés, avec un dessin coloré, de Jean-François Bory, Éditions Love Affair, 1995.
- Dieu à quatre têtes, avec 3 dessins à l’encre, de Lokenath Bhattacharya, Éditions Fata Morgana, 1993.
- De la multiplication des brèches et des obstacles, avec 12 dessins, de Franck André Jamme, Fata Morgana, 1993.
- Descente ou montée ou les deux,avec une encre rehaussée de Franck André Jamme, Éditions Fata Morgana, 1992.