Unes
Fonds : Jean-Pierre Sintive.
5 mai 2023
Ultimatum
Paru en 1917, Ultimatum est le dernier poème que Fernando Pessoa écrit sous le nom d’Alvaro de Campos avant de plonger son hétéronyme dans un long silence qui prendra fin avec notamment la parution du célèbre i en 1928. Dans ce réquisitoire féroce, Alvaro de Campos livre une charge violente contre son époque plongée dans la dégénérescence de la politique, de la religion et de l’art. « Époque de laquais » dit-il, ravagée par la guerre qui déchire l’Europe, sur laquelle règne la médiocrité et la bassesse dans (…)
7 avril 2023
Ciel sans prise
Entre suspension et recueillement, Ciel sans prise s’ouvre sur le repli d’une humanité réduite à ses chambres, persiennes et portes fermées, rues vides. Une humanité qui « a trop vu et trop ri à la face des dieux », et surtout, « trop haï ». Du fond de cette solitude, de cette geôle de silence, surgit l’absence de l’autre, et l’immense mélancolie d’une histoire personnelle et collective qui serait arrivée à son terme. Face à ce pressentiment hanté, face à cette parole tue et à ce monde arrêté, Esther (…)
17 mars 2023
Habiter bouche bée
Une fenêtre ouvre ce livre et en accompagne le cours, tout au long des cinq variations qui le composent ; ou le mettent à jour. Fenêtre d’une salle de classe ouverte sur la cour de récréation, d’où parviennent les voix du dehors, les cris, les hautes branches des arbres dans l’ouverture. Entre engourdissement et brusques échos monte ici le sentiment de présence au monde, au langage des autres et à la sensation « d’être en multitude » reprise au poète américain George Oppen. Fenêtre-cadre, qui ouvre sur (…)
17 février 2023
Mémoire vocale
Traduit de l’allemand par Laurent Cassagnau et Aurélien Galateau.
En 2001, l’éditeur DuMont Verlag pose à Thomas Kling la question suivante : « De quels poèmes en langue allemande avons-nous besoin en ce début de siècle ? » C’est en tant que réponse à cette question qu’il faut lire le choix présenté ici : une sélection de poèmes indispensables pour le poète qu’est Thomas Kling, non une anthologie de plus. Mémoire vocale a valeur de programme poétologique : des formules magiques de Mersebourg aux poètes et (…)
17 février 2023
Itinéraires
Traduit de l’allemand par Aurélien Galateau.
Cet essai constitué de 7 textes rassemblés par Thomas Kling en 1997 est à la fois un itinéraire du poème à travers les âges et un itinéraire personnel à travers la propre poétique de Kling. Héritier de l’avant-garde poétique du groupe de Vienne et des performances de Konrad Bayer ou Oswald Wiener, des expérimentations de Reinhard Priessnitz dans les années 70 ou des mouvements punks de Düsseldorf, dans les années 80, Kling remonte dans cet « Itinéraire » un (…)
20 janvier 2023
Dioptre
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Maïtreyi et Nicolas Pesquès.
Un dioptre est une surface qui sépare deux milieux transparents qui ne dévient pas la lumière à la même vitesse. Phénomène optique que Carol Snow applique à la mémoire, à la façon que l’on a d’accéder à ses souvenirs, qui parfois se réfléchissent, parfois se dévient, se défilent. Réflexions, reflets, halos, « ondes arrêtées », Dioptre, dans le prolongement d’Artiste et modèle (Unes, 2019) avec lequel il partage ses références picturales (Bacon, (…)
12 octobre 2022
Taille-Vent
Tu me dis d’attendre que cela passe
je t’ai dit : me voir par les orbites
que je voudrais sortir de mes yeux
me retrousser les mains
Un clignement, une brisure, une présence. Une tête se forme, une forme surgit du vide, se débat avec son apparition. Se tire de la matière, rassemble son corps, s’époussette. Ouvrir les yeux sur le monde, quel monde ? Des branches, des cordes, des mammifères souterrains. Oiseau de mer ou petite voile dans la brise, Taille-vent se dépose, se décante dans une étrange (…)
12 octobre 2022
Tout est dans le monde
la poésie un jeu d’enfant
de par l’œuf qui craque
erre un messager céleste
à la recherche de son antipode
et c’est vous
possible que sur une si petite échelle
l’on ne puisse réfléchir ça met en colère
ou en proie à l’ennui donc bien trop à l’abri
on est dès lors perdu pour la poésie
pour toute consolation si vous êtes à l’article de la mort
vous ne vous ennuyez pas non plus
et soudain poupée et ballon
tardivement revenus en mémoire peuvent vous faire savoir
ça c’était moi et ça l’univers
Cette (…)
23 juin 2022
Bernard Noël et Georges Perros Correspondances
Vous m’êtes inoubliable, pour mille et une raisons, la plupart indicibles, mais qui me font penser à vous tous les jours. J’ai le temps. Puis il y a ce que vous écrivez, qui reste en abîme, qui ne trahit jamais vos propres amours. Vous m’êtes célèbre, pas tout à fait comme vous l’êtes devenu, mais ce sont les inconvénients de la parole écrite, il n’y a de véritable adéquation que dans les cas de médiocrité spectaculaire, qui ne manquent pas. L’amitié n’est pas autre chose, je crois, que cette reconnaissance (…)
Poème
de l’instant
« car si je ne vis plus… »
car si je ne vis plus
et qu’un jour mes voisins non plus
qui s’occupera des plantes
que deviendront l’arrière de mes genoux
et mes carnets que personne ne doit lire
Je ne sais rien faire d’autre que vivre
La Crypte / 2022