Traces d’encre de Carolyn Carlson, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Siméon

Depuis cinquante ans, Carolyn Carlson occupe une place prééminente dans le monde de la danse contemporaine française, dont elle fut, dès la fin des années 1960, l’une des rénovatrices. Chorégraphe et danseuse, Carlson travaille sur un langage éphémère, le geste, évanoui dès que posé dans l’espace. La place de l’improvisation, récit spontané, est au centre de la recherche de Carolyn Carlson, le mouvement naît pour ainsi dire de lui-même, dans un "lâcher-prise" qui lui permet d’exercer sa force libératrice.
Pourtant, le geste n’est que l’un des langages que manie Carlson puisqu’elle est aussi poète et calligraphe. Ce sont ces deux manières que présente l’album Traces d’encre. le noir de l’encre, le blanc du papier, dans une série de calligraphies inédites. inspirées par le bouddhisme zen, les calligraphies de Carlson sont "une recherche de la réalité invisible, la sensation, le regard sur soi-même qui peut exprimer notre humanité profonde."
Le souffle est au centre de la pratique de la calligraphie, expir fulgurant qui libère l’énergie qui permet au pinceau de tracer le trait, dans le même élan que celui qui enveloppe le sabre qui fend l’air.
Cet album réunit un ensemble de calligraphies accompagnées de poèmes de Carolyn Carlson, on y retrouve les thèmes chers à l’auteur : ode à la nature, à l’unité du monde, recherche spirituelle.
Comme le rappelle Hassan Massoudy, préfacier de cet ouvrage : "Torsion de la brosse pour effleurer le papier et créer des signes légers, signes habités de lumière noire, flottant dans une brume infinie tel un tourbillon qui crée des gestes concentriques.
Geste pour atteindre la spirale, geste pour atteindre le coeur de la vie afin de réveiller ce qui dort en nous.
Les calligraphies de Carolyn Carlson sont universelles."
Poème
de l’instant
Je suis la fille du baobab brûlé
Elle a une main dans la main du désir
Nous ramons en haute mer
Les eaux suffoquées cassées
Masses pendues aux os tendres
Où je meurs dialogue des corps
Le voyage est infini sur les routes de lumière
Le vin des amants est un baiser mortel
Au chant de la bien-aimée
Un soupir rend l’éternité
Mêlant l’anatomie des sens
Notre histoire refuse la chronique des héros
Le sexe humide du poème
Nourrit l’espérance du monde
Nous arriverons ensemble
Nous cheminerons ensemble
Nous partirons ensemble
Au contrepoint de la terre
Ce qui n’est à personne est à moi
J’embrasse le crépuscule d’eau
Je suis debout au flanc des nuages
Je respire l’air frais du soir
Tant qu’il y aura une étoile
Je brillerai avec ma chanson
Et je chanterai à voix de tête