Salah Stétié

Salah naît le 28 septembre 1929 à Beyrouth, à l’époque du mandat français sur le Liban.

Dès son plus jeune âge, poussé par un père enseignant et poète du nom de Mahmoud Stétié, Salah apprend le français, tout d’abord au Collège protestant français puis au collège jésuite Saint-Joseph de l’Université de Beyrouth où il rencontre notamment Robert Abirached et André Tubeuf. Il s’intéresse également grandement à la poésie et à la culture arabo-musulmane que lui transmet son père.

En 1947, alors âgé de 18 ans, il entame des études de lettres et de droit. Parallèlement à ces enseignements, il suit également les cours de Gabriel Bounoure à l’École supérieure des lettres de Beyrouth. Celui-ci devient très rapidement comme un père spirituel. C’est à cette même période qu’il rencontre Georges Schehadé, de quinze ans son ainé, avec qui il restera ami jusqu’à sa mort en 1989.

Dès 1949, il devient professeur au collège des pères mékhitaristes d’Alep, ordre monastique catholique arménien fondé par Mékhitar de Sébaste en 1700.

Deux ans plus tard, il entame des études à La Sorbonne après avoir s’être vu octroyé une bourse française. À Paris, il s’intéresse tout particulièrement à l’enseignement de l’orientaliste Louis Massignon, à l’École pratique des hautes études mais également au Collège de France.

Proche de Maurice Nadeau et Maurice Saillet, il lance à leur côté la revue Lettres nouvelles, créée en 1953. Il publie également, à cette période, une première version de son long ouvrage Le Voyage d’Alep, au Mercure de France.
Habitant désormais la capitale, il rencontre de nombreux écrivains et poètes, tels que Pierre Jean Jouve, André Pieyre de Mandiargues, Yves Bonnefoiy, André du Bouchet, Michel Deguy, mais également des peintres comme Ferdinand Desnos. Son intérêt pour la nouvelle peinture française est alors grandissant. Il donnera lieu tout au long de sa vie, à de nombreuses collaborations, avec Zao Wou-Ki, Raoul Ubac, Pierre Alechinsky, Antoni Tàpies, Roger-Edgar Gillet, etc.

Profondément attaché au Liban de son enfance qui demeure le foyer central de son imaginaire poétique, il retourne à Beyrouth dès 1955 pour y enseigner à l’Académie libanaise des beaux-arts, puis à l’École supérieure des lettres de Beyrouth, et enfin à l’Université libanaise. C’est à cette période qu’il fonde L’Orient littéraire et culturel, supplément hebdomadaire du quotidien politique de langue française L’Orient, qu’il dirige jusqu’en 1961.

Au début des années 1960 débute sa carrière diplomatique. Il occupe alors divers postes tels que conseiller culturel du Liban à Paris et en Europe occidentale, délégué permanent du Liban à l’UNESCO. À ce dernier titre, il joue un grand rôle dans la mise en place du plan mondial de sauvegarde des monuments de Nubie lors de la construction du barrage d’Assouan, puis est élu président du Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour le retour des biens culturels à leur pays d’origine en cas d’appropriation illégale ou de trafic illicite, poste qu’il occupera pendant sept ans.

De 1982 à 1984, il est ambassadeur du Liban aux Pays-Bas. En 1984, il est ambassadeur au Maroc, poste qu’il occupe jusque 1987, lorsqu’il est nommé secrétaire général du ministère des Affaires étrangères du Liban, alors en pleine guerre civile.

En 1995, il remporte le Grand prix de la francophonie de l’Académie française.
Son œuvre poétique célèbre à la fois la langue française et les traditions poétiques arabes. En 1999, il consacre un essai à Stéphane Mallarmé, qu’il admire tout particulièrement, intitulé Mallarmé sauf azur.

En 2002, il est candidat à l’Académie française.

Il meurt en mai 2020 à Paris, à l’âge de 90 ans.

Extrait

Les doigts

Je salue chacun de mes doigts.
Je salue chacun de mes doigts avec leurs ongles.
La main. Le bras.
Le bras comme un sarment arraché et l’autre
bras aussi, le serment de leurs mains devant
le serrement du coeur.
Les pieds aussi et leurs orteils. Les jambes.
La sève en elles vers un fouillis de violettes,
ce lieu du songe.
Le ventre avec ses intestins. L’estomac,
le foie, les poumons.
Les autoroutes du cou. Le nez. Les
yeux. les dents.
La bouche avec sa voix. L’oreille comme
une coquille.
L’éponge imbibée de tous les fonds marins,
il suffit de presser un peu et ce sont pensées
et images. Douleurs. Feux. Souvenirs.
Je regarde chacun de mes doigts et tous
ceux-là, mes amis de toujours, ils veulent
s’en aller, disent-ils, chacun seul, comme
à la fin d’un colloque interminable

Bibliographie

  • Voix d’encre, 30 ans, ouvrage collectif, Éditions Voix d’encre, 2019.
  • La substitution, Éditions Fata Morgana, 2006.
  • L’après-midi à Ugarit, Éditions Al Manar, 2006.
  • Salah Stétié par Marc-Henri Arfeux, Éditions Seghers, 2004.
  • Carnets du méditant, Éditions Albin Michel, 2003.
  • Presque nuit, Éditions Al Manar, 2003.
  • Carnets du méditant, Éditions Albin Michel, 2003.
  • Pluie sur la Palestine, Éditions Al Manar, 2002.
  • Le Vin mystique et autres lieux spirituels de l’Islam, collection Spirituaités vivantes en poches, 2002.
  • Mahomet, Éditions Albin Michel, 2001.
  • La Terre avec l’oubli, Éditions Musée Condé, 2000.
  • Sauf erreur, entretiens avec David Raynal et Frank Smith, Éditions Paroles d’aube, 1999.
  • Clef pour le Liban, album de photographies, Garnet-France, 1999.
  • Mallarmé sauf azur, avec une reproduction du portrait de Mallarmé par Messagier, Éditions Fata Morgana, 1999.
  • Le Vin mystique, avec des reproductions calligraphies de Ghani Alani, Éditions Fata Morgana, 1998.
  • Raisons et déraisons de la poésie, conférence à l’Institut de langue et littérature française de l’Université de Bari, Éditions Schena-Didier Érudition, 1998.
  • Fenêtre d’aveugle, à propos des papiers froissés de Ladislas Kijno, 1998.
  • Fièvre et guérison de l’icône, Édition de l’Imprimerie nationale, 1998.
  • Le Calame, avec des reproductions de calligraphies de Henri Renoux, Éditions Fata Morgana, 1997
  • Hermès défenestré, Éditions José Corti, 1997.
  • La Nuit d’Abou’l Quassim, Éditions Tschann, 1997.
  • La Parole et la preuve, entretiens sur la poésie, avec des encres de Pascale Ravilly, M.E.E.T., 1996.
  • Signes et singes, Éditions Fata Morgana, 1996.
  • Habiter Vermeer, l’Étoile des Limites, 1995.
  • Seize paroles voilées, exemplaires de tête comportant des peintures originales de Jean-Gilles Badaire, Éditions Fata Morgana, 1995.
  • L’Ouvraison, avec des reproductions calligraphies de Ghani Alani, Éditions José Corti, 1995.
  • Un suspens de cristal, avec des calligraphies de Hassan Massoudy, Éditions Fata Morgana, 1995.
  • Liban pluriel, Éditions Naufal-Europe, 1994.
  • Réfraction du désert et du désir, avec des reproductions de calligraphies de Ghani Alani, Éditions Babel, 1994.
  • La Nuit du cœur flambant, Éditions des Moires, 1994.
  • La Terre avec l’oubli, Éditions des Moires, 1994.
  • Rimbaud, le huitième dormant, avec des reproductions de dessins de Jean Messagier, Éditions Fata Morgana, 1993.
  • L’Interdit, Éditions José Corti, 1993.
  • Le Nibbio, Éditions José Corti, 1993.
  • Visage en trois, Éditions Le Taillis Pré, 1992.
  • Lumière sur lumière ou l’Islam créateur, Éditions Les Cahiers de l’Egaré, 1992.
  • L’Autre Côté brûlé du très pur, Éditions Gallimard, 1992.
  • L’Épée des larmes, Éditions du Noroît / L’arbre à paroles, 1992.
  • Le Voyage d’Alep, avec un portrait de l’auteur par Albert Féraud, Éditions Les Cahiers de l’Égaré, 1991.
  • Les Sept Dormants au péril de la poésie, Éditions Leuvense Schrijversaktie, 1991.
  • Lecture d’une femme, Éditions Fata Morgana, 1988.
  • Archer aveugle, avec des reproductions de calligraphies de Mohammed Saïd Saggar, Éditions Fata Morgana, 1985.
  • Nuage avec des voix, Éditions Fata Morgana, 1984.
  • Firdaws, essai sur les jardins et les contre-jardins de l’Islam, Éditions Le Calligraphe / Philippe Picquier, 1984.
  • L’Être poupée suivi de Colombe Aquiline, Éditions Gallimard, 1983.
  • La Unième Nuit, Éditions Stock, 1980.
  • Ur en poésie, Éditions Stock, 1980.
  • Inversion de l’arbre et du silence, Éditions Gallimard, 1980.
  • Obscure lampe de cela, avec des gravures de Raoul Ubac, Édition Jacques Brémond, 1979.
  • Fragments : Poème, Éditions Gallimard, 1978.
  • André Pieyre de Mandiargues, Éditions Seghers, 1978.
  • L’Eau froide gardée, Éditions Gallimard, 1973.
  • Les Porteurs de feu, Éditions Gallimard, 1972.
  • La Mort abeille, L’Herne, 1972.