Poème à Lazare de José Ángel Valente
Traduits de l’espagnol et présenté par Laurence Viguié avec des encres de Philippe Canal.
« C’est bien sous le signe du devoir moral qui incombe au poète que se placent les Poèmes à Lazare : Je ne dois pas / proclamer ainsi ma douleur, tels sont les premiers vers du “Premier poème”, poème liminaire qui énonce avec force la conception de la poésie qui préside dans ce recueil. Le contenu du devoir auquel est soumis le poète est double : la poésie n’est en aucun cas le lieu d’une confession du moi, les sentiments du poète ne doivent pas y avoir de place. Elle a aussi pour mission de combattre au cœur de la cité, ici détruite, d’œuvrer pour le salut des hommes et fait sienne la condamnation platonicienne des fables du poète. »
Je ne dois pas
proclamer ainsi ma douleur.
Je suis gai ou triste et qu’importe ?
Qui aiderai-je ?
Quel salut ferai-je naître d’une plainte ?
Et, pourtant, je raconte mon histoire,
je retombe sur moi-même, coupable
de ces paroles mêmes que je combats.
Poème
de l’instant
incantation pour nous toutes
Le dehors s’empresse la nuit autour de la maison. Les orties rasent les murs extérieurs. Les loups cherchent les ouvertures pour traverser en meute. Le tilleul espionne les dormants et leurs offices dans le noir.