Paris 13e arrondissement

Laure Cambau

AU FOND DE LA BIÈVRE IL Y A LE JOUR

Des poissons dans l’âme
l’homme-aquarium
crache ses grenouilles fraîches
sur le pavé chaud
roulottes rivière fantôme
folles d’enfer poignards volants
le cri de l’apache
et le chant du gitan
des rêves passent
au-dessus du bocal numéro 13
berceau des amours illicites
il n’y a pas de morts
dans le Triangle d’Or
il y a trop d’eau entre nous
alors buvons
goûtons au jus d’ange doré
car
au fond de la Bièvre
il y a le Jour


Références pour le poème :

- L’homme-aquarium :
à la fête foraine, place d’Italie, un “homme-aquarium”, avaleur de grenouilles, se produisait, rotant des rainettes, pour la plus grande joie des petits et grands.
- Roulottes :
installées sur la zone, devant les “fortifs”
- Rivière fantôme :
la Bièvre…
- Folles d’enfer :
les femmes internées à la “Salpétrière”
- Poignards volants :
clin d’oeil à Chinatown et au cinéma asiatique
- L’apache :
voyou de la zone
- Le gitan :
allusion à Django REINHARDT, élevé dans une roulotte, vers la porte de Choisy

- Berceau des amours illicites :
“ils sont mariés à la mairie du 13 ème arrondissement”, expression d’avant 1860 (année de l’annexion des communes limitrophes de Paris) : il n’y avait à l’époque que douze arrondissements, le “mariage à la mairie du 13 ème” désignait donc des “amours illicites”.

Poème
de l’instant

James Noël

Brexit

Aux yeux des étoiles, les murs et les gratte-
ciels sont des géants aux pieds d’argile Les
étoiles, ça roule des reins et cille des yeux
dans leur migration hautement lucide Pour
elles, le monde est plat et sans hauteur dans
son asphalte, donc ils ne constituent pas une
preuve solide, indéboulonnable dans l’univers

James Noël, Brexit, suivi de La Migration des murs, Éditions Au diable vauvert / 2020.