Momin Latif

« Né à Delhi en 1940, Momin Latif est certainement le seul poète indien contemporain d’expression française. Parlant, lisant, écrivant couramment l’ourdou, l’anglais, le français, c’est dans la langue de Rimbaud, d’Apollinaire et de Valery Larbaud qu’il a choisi de s’exprimer, sans doute par souci d’affirmer sa singularité tout en s’assurant d’un durable anonymat.
Grand spécialiste de la civilisation moghole, il tient pourtant son inspiration poétique à l’écart de toute magnificence et de toute ornementation précieuse. Son écriture est toujours lapidaire, instantanée, comme la saisie brève d’une vision, d’une émotion, d’une blessure.
On dirait que ses poèmes-notations surgissent à l’improviste, souvent dans des lieux de rencontre, au spectacle d’une réalité qui piège les codes, les habitudes, les certitudes. Derrière une simplicité de façade demeurent des ombres noires, des sentiments ajournés, des violences muettes. Ses architectures de mots n’érigent ni palais ni mausolées, mais hésitent entre le trompe-l’œil et le vide.
Citoyen de Londres, Paris, Rome, Madrid, Lisbonne, autant que de Delhi, Momin Latif réside en fait dans cette faille du temps qui semble l’espace intériorisé du décalage horaire. Il parcourt, avec tout le détachement possible et toute l’élégance requise, un monde qui n’est que très approximativement le sien. Et s’il porte une attention extrême aux êtres et aux choses, c’est qu’il cherche l’harmonie immédiate, la grâce vouée au présent.
Du désespoir, qu’à l’instar d’André Breton il connaît lui aussi dans ses grandes lignes, il ne retient que quelques signes légers, quelques appels ténus dans le clair-obscur. De la tragédie de vivre, il ne veut pas faire un drame. Les épreuves, les doutes, les regrets, les fêtes, il les range dans un creux de mémoire qui n’est jamais le plein oubli. Car, entre rêveries profondes et jeux de lumière, il passe comme un homme des lisières, poète des grandes marges blanches, magicien qui ne sait s’il peut vraiment être là. »
D’après la préface de Peut-être moi, d’André Velter
Bibliographie
Poésie
- Peut-être moi, Préface d’André Velter, Frontispice de Valerio Adami, Éditions Dumerchez, 2007.