Ma maison de guerre

Auteur : Seyhmus Dagtekin

Ma maison de guerre

« Je suis un drôle qui croit pouvoir se faire un monde, une maison avec des mots qui ne seraient même pas les siens. Parce que certains voudraient que les mots aussi aient leurs appartenances. Et les mots se laissent avoir, se laissent enfermer dans tous les enclos. Ils se mettent dans toutes les bouches, s’épuisent à toutes les besognes comme si un ressort avait dû céder dans la langue.
Mais je crois au verbe, à la force instituante de la parole. L’essentiel serait de retrouver le ressort cassé, le lien fondateur entre le mot et nos êtres. Pour arriver, un jour, à ce mot qui nous refonderait, nous pousserait à exister pleinement, où que l’on soit.
Dans la tradition, on dit d’Abraham qu’il était une nation à lui tout seul. Fixer à soi-même et au lecteur cette plénitude comme horizon pour parvenir à une existence pleine et pouvoir accueillir l’autre sans crainte. Mon écriture en général, et ce recueil en particulier, voudraient œuvrer dans le sens d’un tel accomplissement. »

Paru le 1er juillet 2011

Éditeur : Le Castor Astral

Genre de la parution : Recueil

Poème
de l’instant

L’homme désert

Il n’y a pas d’aigle sans désirs.
Il n’y a pas d’aveugle sans regard.
Il n’y a pas de Bonheur.

Mais il n’y jamais ce chant tournoyant et délivrant, cette Parole de toujours, cette terrasse de splendeur portée entre les bras du jour, il n’y a pas ce chant et cette bouche qui chante, et ce corps qui chante cette bouche, et ce désir qui chante ce corps qui l’emporte à sourire, s’il n’y a pas Celle même qui attend encore, au milieu des palmes et des pluies, d’être déliée de son ombre.

André Delons, L’homme désert, Éditions Rougerie, 1986.