Le langage et le puits
Poèmes courts complets 1983-1989

Cette édition rassemblé l’intégralité des 250 poèmes courts écrits par Hai Zi entre 1983 et 1989, du mythique « Cuivre asiatique » qui lui offre une première reconnaissance, jusqu’à « Au printemps, dix Haizi », composé 12 jours avant sa mort, dans lequel il se voit comme un « enfant de la nuit, baigné dans l’hiver, épris de la mort ». Les poèmes de Hai Zi sont écrits dans une langue directe, immédiate, sans ornementations, et sont traversés de rapprochements stupéfiants, d’images de poissons et de cerfs, oniriques et hallucinées. Enfant des campagnes, la ruralité est un cadre récurrent de ses poèmes, où les champs de blés, les images de la terre, des sols humides, les berges des rivières, et l’amour comparé aux arbres en fleurs, surgissent avec une spontanéité joueuse. Virtuoses et souvent mélancoliques, ses poèmes touchent une veine sensible pour la population chinoise qui a si longtemps dépendu de l’agriculture pour assurer sa survie et saisissent la résonnance profonde entre l’homme et la nature. Hai Zi est également influencé par la culture européenne, et son œuvre est habitée par les figures de Homère, Van Gogh, Rimbaud, Baudelaire, Thoreau, Essénine ou Kafka… il est aussi lecteur de la Bible, qui donne une couleur mystique à nombre de ses poèmes. À la suite d’une profonde déception sentimentale, il réalise qu’il existe un fossé infranchissable entre les mondes ruraux et urbains, qui va au-delà des considérations géographiques. Sa poésie se fait plus poignante et désolée, plus intime, plus sombre. À la fois enfant retournant chez lui après avoir égaré sa joie dans la montagne et homme exilé dans la ville, loin de son village, il est accablé par la perte d’identité, la perte du foyer, la perte de l’amour, et semble ne plus appartenir à aucun de ses mondes, si ce n’est celui de ses poèmes si vivants, baignés d’errances et de lunaisons bouleversantes. Par-delà son suicide, lire les poèmes de Hai Zi nous rappelle paradoxalement les merveilles de l’existence, notre lien à la terre et nous emporte dans des paysages lointains et insoupçonnés, au fond de nous-mêmes, entre douceur et clarté.
Poème
de l’instant
L’Oiseau en liberté
L’oiseau qui passe là-bas,
L’oiseau léger
Qui bat des ailes
Et fend l’air là-bas à l’horizon,
N’a rien à lui au monde,
Mais comme il est joli
En liberté !