Le bois des corbeaux
Auteur : Evelyne Morin

Dans le soleil et le vent et la brume il y a le silence hanté de la souffrance des hommes et des arbres et des bêtes, le vide des lieux détruits, la terre marquée de croix à l’infini des plaines et des collines, la sacralité du temps lourd de la mort présente.
Cent ans après la guerre de 1914-1918, entendre la parole fantomatique de la vie perdue.
Extrait
Paix
Que reste-t-il de ce qu’on ne sait pas
L’air est pur et bleu
Les voix dormantes
La guerre eut-elle lieu ici
Le jour semble intact
sans mémoire
La paix est rendue à la paix
Tant de souffrance pour arriver
à ce matin
Plus rien n’a lieu
et la terre s’étend à perte de croix
Le bleu du ciel croisé de blanc
Nul deuil que la tranquillité des champs
Des noms et des dates
et le temps peut s’arrêter là
sur cette terre qui n’était pas
vôtre Mais la mort
vous enterra
là Loin de vous
Soldats au bois mourant
Les arbres enchevêtrés du silence
des cris maintenant tus
Seules traînent les ombres
lumineuses de votre présence
absente
Un aigle surgit
de l’espace invisible
et s’envole
Ce fut un bref instant
une trouée de sens dans l’indicible
Et le bois se referma sur vous
Poème
de l’instant
Lais
Tous deux comme est le chèvrefeuille
qui grimpe autour du coudrier ;
sitôt qu’ils se tiennent enlacés
il n’est plus de tronc ni de feuilles,
et peuvent alors vivre à jamais.
Mais si l’on veut les séparer,
du coudrier c’en est fini,
soudain du chèvrefeuille aussi.
« Belle amie, ainsi va de nous :
ni vous sans moi, ni moi sans vous ! »