Le Réalgar
25 octobre 2021
Bientôt l’éternité m’empêchera de vivre
« En 1960, Jean-Claude Barbé a seize ans. Il est poète. Une nécessité intérieure le brûle. Il écrit. Des textes, fiévreux, plus ou moins longs, en prose, en vers, des contes, des courtes pièces de théâtre injouables. Mais toujours, en lui-même, il nomme ses écrits poésie. Il lit, se délecte du parcours imaginaire des autres, dialogue secrètement avec les Grands, lui le si jeune adolescent encore. Un an ou deux plus tôt il a lu Les Aventures d’Arthur Gordon Pym. Sa première rencontre, décisive, avec (…)
16 octobre 2020
Le Cœur vivant des ombres
Peintures : Hubert Haddad
« On sort, revient ou ne revient pas de ces pages sans être quelque peu pantelant. C’est que Le cœur vivant des ombres possède une telle intensité, expressive, sensible, historique, personnelle, universelle, ô combien singulière toutefois, recèle de telles fulgurances et brasse tant de vies en son apocalypse que l’on en titube, stupéfait, bouleversé par ce qui rassemble tout l’amour, toutes les profanations et toute l’innocence du monde. Nous sommes confrontés, ici, à une (…)
1er juin 2019
À force d’en découdre
« d’où on part, rasant les murs au fond de soi ; d’un parquet, d’une pingre lumière par doigts d’enfants creusée, fourgonnée ; aucun feu derrière ; du vide et on y va ; plusieurs, le sommes-nous ? à passer, ça aiderait, du plus loin qu’on peut de son nom ; dès que dehors, sur les pavés de la cour et aux genoux froides meurtrissures, nous oblige à pencher, le ciel, à songer sourd, étouffe cru par le haut les arbres ; d’une fenêtre l’infirme, au troisième elle fait signe, nous pareil ; mais les murs donnent (…)
9 mai 2019
Un écart de conscience
Photographies de Christiane Sintès.
Un monde de peu d’écho
à la lumière affaiblie.
C’est du sein de cette pénombre dilatée
sous la balafre de brefs éclairs
que je veux t’écrire.
Je sais que les mots échoueront
à retracer les contours du décor
qui m’environne et à saisir le flux hâtif
et désordonné de ma pensée.
Mais je tente par eux de te rendre
le goût exact de ce moment
c’est ici mon seul projet
même si leurs petites ailes de lumière
ne soulèvent
qu’un terrible noyau (…)
28 février 2019
Connaissance de l’ombre
Peintures de Serge Kantorowicz.
« Delphine Durand dispense les secrets de la dépossession. Elle dépeint avec un détachement dantesque ou une brusquerie maldororienne de si poignants mirages – la pluie de sang des corps sur un crâne délavé, les génies et les foules mêlés dans le ressac des âges, les démons aboyeurs d’hymnes entraînant la macabre danse des voiles des civilisations. Au regard des années-lumière, l’humanité ne saurait être plus qu’une empreinte d’eau vite évaporée à tous les soleils. Avec (…)
31 juillet 2018
Terminus Schengen
« C’est bien parce que le poème s’avère seul capable d’intégrer l’expression la plus subjective à l’exigence d’une pensée qui, jamais, ne se contentera « d’interpréter le monde », qu’Emmanuel Ruben n’a pas récusé la voix dont, toujours, essayiste, romancier, il écoute l’accent, disant ainsi très haut l’abjection d’une Europe en proie à des démons surgis des culs-de-basse-fosse de sa longue histoire. Terminus Schengen… Une telle errance, une aussi tragique pérégrination au bout de la honte comme de la détresse ne rend (…)
15 mai 2018
Mais il y a la mer
Prose - Parution mai 2018« C’est une rue dans la ville, sans charme particulier, pavée à cette époque. Son attrait néanmoins venait de son pavement. Je l’aimais pour cela. D’un côté une enfilade de maisons, la plupart à étages, datant de la fin du dix-neuvième ; de l’autre le port, et séparé de lui par une allée d’arbres : un lieu de promenade appelé la petite Rabine en opposition à la grande Rabine, située sur l’autre rive. Large et longue, aux beaux jours les mères de famille s’y rencontraient, les enfants (…)
28 février 2017
Entre chair et terre
Peintures de Jean-Claude Terrier.
« créatures confuses
issues du limon noir
quel potier aveugle
nous arêvées
quelle main main indifférente
nous a façonnées
visages
pétris
d’argile et de larmes ? »
Poème
de l’instant
terrains vagues
Tu cueilles pour moi
des mûres poussiéreuses
au goût de septembre
et pendant qu’entre mes dents
je tente d’écraser les petites graines
je me dis que grandir
c’est à chaque fois quitter l’été.