Laq quatrains d’Omar Khayvam

A la mort d’Omar Khayyam, quelques centaines de quatrains sont retrouvées. Lui qui haïssait plus que tout l’esclavage de la pensée nous a légué ces poèmes qui, aujourd’hui encore, s’élèvent contre l’imposture religieuse et politique.
Eminent savant, être épris de liberté, il s’éloigne, vers trente ans, du pouvoir et de tout risque de compromission. Mathématicien et astronome, ses calculs sur l’infiniment grand l’ont rendu proche de l’infiniment petit. A force de sonder le ciel, il a mesuré la durée dérisoire des hommes. Et ce point zéro où apparaît et s’abîme fatalement tout ce qui vit, a inspiré en lui le poète. Il rédige les Rubaï’yat, Quatrains dans lesquels il célèbre les femmes et la beauté, l’ivresse et la poussière du néant. La forme de ces vers lui permet de dire l’usage du monde et sa mesure.
Préférant les jouissances de l’éphémère aux vérités érigées en dogmes, il ne souhaite à l’humanité qu’ivresse et amour. Mystique en apparence, débauché en réalité, mêlant le rire à l’incrédulité, Khayyam est l’homme le plus curieux à étudier pour comprendre ce qu’est devenu le libre génie de la Perse dans l’étreinte du dogmatisme musulman. Le manteau des explications mystiques couvre, dans ses poèmes, toutes les hardiesses.
Qu’un pareil livre ait pu circuler librement dans un pays musulman, est un sujet de surprise : la littérature européenne peut-elle citer un ouvrage où toute croyance soit niée avec une ironie si fine et si amère ?
Poème
de l’instant
Une tristesse bleue et grise
Évidemment l’orgueil et la trouble passion
Les papiers arrachés, bien sûr, les volets clos
Les livres sans mémoire et presque à l’abandon
L’étui de ton violon fermé comme un sanglot
Mais penser à tes gestes carrés vers les miens
La presque cruauté, la langueur infinie
Le rire en plein désir et les larmes à la fin
M’ont fait aimer la mort et préférer la vie