Je voulais m’en aller mais je n’ai pas bougé
Auteur : Jean-Jacques Viton
On pourrait dire de ce nouveau livre de Jean-Jacques Viton, qu’il est composé d’arrêts sur des états de prélèvements, des restes de situations, des traces qui concernent aussi bien l’intime que le collectif, l’historique que le privé. Il s’agit de les juxtaposer, et de voir. De voir ce que ce genre de catalogue de pièces à conviction engendre en nous de colère ou de tristesse.
En voici quelques-unes :
un malaise – un racisme discret destructeur – un chargeur c’est une réserve de munitions – pour une arme on dit aussi un magasin – l’insoutenable vision du dépeçage – la banalité exténuante – la répétition des objets quotidiens – les attentats affichent leurs bilans comme les marques leurs points en Bourse – l’intime et l’environ – les pièges des contrôles de clandestins – les balises des massacres – le temps qui passe – des rapports opaques – les avertissements de la fatigue – le principe du tout droit – les riches heures de la torture – la ville qui pue – les marchandises de l’insécurité – les épidémies envahissantes – les fragments comme débuts – il reste un fond de sac – nettoyer le repos – comment s’en aller
Ce sont des textes brutaux, qui font entrer la violence dans des scènes « poétiques » et, par là, minent la poésie, la réhabilitent, tout aussi bien.
Poème
de l’instant
Midi
Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la Nature est vide et le Soleil consume :
Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.
Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l’oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,
Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le Néant divin.