JR

JR expose librement dans les rues du monde entier, saisissant l’attention de personnes qui ne sont pas des habituées des musées, des banlieues de Paris, aux quartiers pauvres du Brésil, aux rues de New York, en affichant d’immenses portraits d’anonymes, de Kibera à Istanbul, de Los Angeles à Shanghai.

En 2011, il reçoit le Prix TED, à la suite duquel il crée Inside Out, un projet global d’art participatif permettant à des gens du monde entier de réaliser leur propre portrait et de le coller dans l’espace public, dans le but de faire passer un message et de partager leur expérience – en juillet 2022, plus de 450 000 personnes de plus de 141 pays avaient déjà participé, par courriel ou grâce à des photomatons géants.

Ses derniers projets comprennent un collage à grande échelle, dans une prison de haute sécurité en Californie, une couverture du TIME Magazine sur le projet Guns in America, une fresque vidéo impliquant 1 200 personnes présentée au musée d’art moderne de San Francisco (SFMOMA), une collaboration avec le ballet de New York, un long-métrage documentaire co-réalisé avec la légende de la Nouvelle Vague Agnès Varda, nominé aux Oscars, une immense installation au Panthéon de Paris, un collage sur un porte-container, la pyramide du Louvre, une fresque monumentale «  a la Diego Rivera  » dans la banlieue de Paris, des installations composées d’échafaudages aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, une exposition sur les hôpitaux abandonnés d’Ellis Island, un restaurant solidaire pour les sans-abris et les réfugiés à Paris ou une installation géante à la barrière frontalière entre les États-Unis et le Mexique.

Comme il conserve l’anonymat, JR laisse le champ libre à une rencontre entre le sujet/protagoniste et le passant/interprète. C’est là tout l’enjeu du travail de JR  : poser des questions.

JR signe l’affiche du Printemps des Poètes 2023

Après L’Ardeur d’Ernest Pignon Ernest, La Beauté d’Enki Bilal, Le Courage de Pierre Soulages, Le Désir de Sarah Moon puis L’Éphémère de Pina Bausch, il importait de ne rien céder et d’inviter un artiste unique en son genre.

Qui mieux que JR pour questionner les Frontières  ?

«  The past go fast  », «  Greetings from Giza  », «  Paper & Glue  » ou encore «  Punto di fuga  », sa carrière est si internationale, et vouée à tous les bouts du monde, que l’on en oublierait presque que JR est français. Et qu’en électron libre génial et généreux il entraîne avec lui des milliers d’anonymes volontaires pour déployer ces images démesurées, totems qui redonnent vie et force à des destins meurtris. Ainsi pavoisent les silhouettes et les sourires de Thierry, réfugié de 8 ans dans un camp du Rwanda ou de Valeriia, petite fille de 5 ans ayant traversé la frontière ukrainienne pour fuir la guerre. Cette transmigration des existences et des visages est un acte fort, qui marque pour longtemps la conscience. Et JR de courir la planète pour dévoiler ce que son cœur a vu, tout en nous imposant de ne plus fermer les yeux.

On connaît San Diego, Los Angeles, les plages de sable fin de la Californie. On connaît le soleil de Mexico, les Olmèques, les Toltèques, les Zapothèques, les Mayas ou les Aztèques mais qui sait que Tecate n’est pas que le nom d’une bière blonde  ? Dans ce pique-nique géant organisé de part et d’autre de la frontière des États-Unis et du Mexique, le 8 octobre 2017, JR a réconcilié l’impensable dans un partage vu du ciel. Les yeux sont ceux d’une rêveuse, comme l’artiste, qui en a fait en quelque sorte sa signature, aime à le dire. Parce que le Dream Act (Development, Relief, Education for Alien Minor) a permis à des immigrés, entrés clandestinement enfants sur le sol américain, de rester et de travailler en toute légalité. La rêveuse en question, ainsi arrivée du Mexique à 7 ans et vivant depuis à San Francisco, se prénomme Mayra – ce qui signifie «  celle qui élève  » en espagnol. Tel est l’art de JR, au plus près de la terre et tutoyant les dieux.

Sophie Nauleau