Funambules
Il n’y a toujours pas d’arbres, rien qui serait faux ici
Il y a des fils que l’air fait briller
Comme si une grande araignée était venue pour qu’on se sente tout petits
Se décidant
Une jeune fille monte à l’oblique
Si lente aux pieds nus
Maintenant on se demande
Ce qui est simple
Orteils pâles, pétales d’harmonieuse monotonie
Détachés de la peur en marchant
Ne pas trop creuser
Le fil fatigué d’eux
Ou bondir en arrière
En bâillement fou
Surtout ne crie pas
Beauté sans rien d’autre
Un deuxième, un garçon
S’approche en faisant tout vibrer
Elle s’agenouille sa main tient le fil
Qui tremblerait trop il court
Comme des questions directes les fils se croisent
Une nouvelle jeune fille court sur l’un pour se cogner à l’autre
Au milieu du ventre
Puis c’est un garçon qui avance la main
Où la nuque se cambre
Ce sont des lumières que je vous raconte, de simples lumières
De délicates difficultés comme
Fiançailles sur des fils parallèles
La main s’appuyant sur l’air
Les yeux fermés
C’est encore ses doigts qu’elle cherche
C’est encore ses doigts qu’il cherche
Puis ses joues dans le vide
Touchée, elle attache ses cheveux
Avant de poser sa tête sur l’acier fidèle
Une minute après se redresse
Cheveux défaits
Pourtant il n’y a pas eu
De couronne
À genoux
Deux garçons la regardent
Les paumes aux aguets pour le danger
Je vous raconte chaque lumière
Quand l’une tombe
De plus haut
L’ombre du fil vient sur le sol
Un homme blessé sort du noir
« Parfois je fais ce rêve que je remonte sur le fil »
Il peut, sur la ligne de l’ombre à peine débordant
Tituber sur le doux tapis rouge
Tout cela pour refermer ses mains sur le fil
Où marche une femme qui pour lui elle est belle
D’abord elle tend son pied
Comme un doigt se glisse dans l’anneau
Plus lentement qu’avant
Les mains toujours levées
Il tient le fil dans sa réalité
À chaque pas elle écrase tendrement
La main qui tient le fil
Il avance son autre main pour qu’elle l’écrase aussi
Tendrement
Très amoureuse elle oublie sans cesse d’avoir pitié
Ainsi tout au long du fil
Travaille mon amour
Pourquoi serions-nous ailleurs
L’un de l’autre ?
À la fin elle s’assied, le laisse
Lui serrer les chevilles, lui prendre les deux pieds,
Y enfouir son visage
La lumière s’alourdit dans le fond du cœur.
Extrait de Le dernier livre des enfants, inédit.
Une première version de ce poème a été publiée dans le recueil La terre voudrait recommencer.
Poème
de l’instant
Victor
Avant, j’aimais le passé, les vieux objets, les vieilles maisons dans les vieux hameaux. Aujourd’hui, je préfère les bateaux, les ports, les marins, tout ce qui s’en va.
Victor
Actes Sud / 2022