Flammarion
11 janvier 2023
Animal errant, retour d’abattoir
violent comme vent contrarié
seul puisqu’à demi orphelin
tenté par la discorde des pages
ne confiant ses hantises qu’à ses mains
curieuses de chair neuve
guettant au-dehors de soi
dans le blanc des regards sur le visage des proches
ce qui pourrait justifier ses montées de colère
invisible à mes yeux mais nécessaire à mon souci
je l’ai dit : du linge de corps blanc
quelques papiers
et cette chose portant le nom intolérable de (…)
5 octobre 2022
Deux romans, & autres essais
que de maigres songes
des pas de crabe
promenés à genoux
par des ballons dirigeables
nous allions à nuages
dans une île déserte
qui s’évapore
sur le tracé des cartes
nous avons fait
ressembler des figures
à des fumées
des idées
nous n’avons rien fait
d’autre qu’apprendre
à nous
perdre.
4 mai 2022
e bientôt muet
tout a commencé
par une image – mon amoureuse
au réveil enfilant ses socquettes
noires – et à l’instant je suis à Vladivostock
en pensée ce matin du 15 janvier
2020
à la fois ici
et là-bas
en vrai ce mois d’avril 2006
dans cet hôtel de passage où nous étions face
au Japon – toi
nue – sauf
les socquettes – épluchant un pamplemousse
j’aurais parié avoir écrit
que les socquettes étaient blanches
le pamplemousse
était rose
comme les groseilles comme
les carafons et pourquoi pas les (…)
9 mars 2022
Monoritmica
Monoritmica est le dernier titre d’un cycle qui en comportait quatre : Une femme de quelques vies, Onde générale, Monstrueuse, Crocus. Le cycle s’achève donc et porte le titre générique de L’Alphabet de l’enfant.
« 12 épisodes ou 12 états d’une enfance qui s’appellent : apprendre à lire, apprendre à parler, inventer des grilles de langage, apprendre à marcher, tourner derrière un trotteur, se perdre 2 fois dans une même forêt, découvrir le son et découvrir le son des mots, tout est cliquetis, mère (…)
16 février 2022
Arrangement floral
J’ai coupé dans le jardin une branche de magnolia chargée de boutons. Frêle, enchevêtrée au cœur de la ramure de l’arbre, elle m’apparut, reposant sur le sol, imposante, noueuse, de ces végétaux dont on peut faire un arrangement puissant et fragile.
Je la regarde longuement avant de diviser l’élément unique en trois parties : l’homme, la terre, le soleil ; les axes du bouquet qui détermineront son espace, sa profondeur. La section oblique de la coupe permet à cette construction, posée sur le vide, de ne (…)
26 janvier 2022
Par elle se blesse
Il joue encore sans me voir
De la guitare jusqu’aux ifs même écroulé
Et voilà que mes mains tentent de se faire arbre pour
L’éprouver de loin épouser sa caresse
Et voilà que l’eau monte à l’idée
D’une étrangère sous la brise des colonnes
Une lumière angulaire et son grave,
Je frappe autant que je peux sur mon clavier fixe les formes
Passées du mur
Il fait frémir les roses et ne les aimant pas, vous ai-
Je parlé de ce pouvoir qu’il avait le mien
Est dans cette porte
Laissée (…)
12 janvier 2022
L’Éducation géographique
Né en 1982, Pierre Vinclair a passé dix ans en Asie et vit désormais en Suisse. Auteur d’une œuvre déjà conséquente – poésies, essais, romans – il anime également la revue en ligne Catastrophes. La collection Poésie/Flammarion a publié trois de ses ouvrages, depuis son tout premier recueil en 2009.
Après Le Cours des choses (Flammarion, 2018) et La Sauvagerie (Corti, 2020), salués l’un et l’autre par la critique, L’Éducation géographique marque une avancée décisive dans le parcours de Pierre Vinclair. (…)
5 mai 2021
Archipel plusieurs, 1967-1987
De son vivant, Michel Vachey (1939-1987) a occupé une place étrange, un peu fantomatique, dans le paysage littéraire français – ce qui tient autant au caractère expérimental de son œuvre qu’à l’intransigeance de sa démarche. Circulant entre les genres (de la poésie au roman, tour à tour mis en pièces), adepte du collage et du détournement, il a publié quelques livres au Mercure de France, puis chez Bourgois, collaboré à plusieurs revues majeures de l’époque, travaillé avec les peintres de Supports/Surfaces (…)
14 avril 2021
L’état d’enfance, III
La contraction de la pierre dans la main refermée. La dilatation inverse de la pierre dans le poing tremblant de l’enfant sur le seuil de lui-même, l’abandon inverse de l’enfant. L’ouvert. L’abandon à l’ouvert de l’enfant qui ne voulait pas. Soudain plus grand que son corps l’enfant comme si l’ étincelle de sa chair avait pris. L’enfant ne veut pas cela mais il l’accepte, de toutes ses forces il ferme le poing sur le caillou brûlant et il (…)
24 février 2021
Promenade et guerre
& ce geste en pure perte de rage
et cruelle compassion
dont je risque avec toi l’échec
ce geste d’agiter un lambeau d’être
en remuant l’argile
illumine les matières impensées que la
danse a déposées
dans les os.
Poème
de l’instant
Les Poètes
Je peux me consumer de tout l’enfer du monde
Jamais je ne perdrai cet émerveillement
Du langage
Jamais je ne me réveillerai d’entre les mots.