Europe N°955-956 : Philippe Jaccottet et Giuseppe Ungaretti

À moins de vouloir céder aux deux tentations égales et contraires qui assiègent notre époque, celle d’une reddition sans condition face à un monde qui semble ne plus avoir aucun besoin des poètes, et celle d’une transformation résignée de la poésie en pure technique de composition ou en astucieux mixage postmoderne, il est difficile aujourd’hui de ne pas méditer sérieusement sur la figure humble et néanmoins très ferme que nous offre à voix basse l’exemple de Philippe Jaccottet. Née d’une société en crise ébranlée par la Seconde Guerre mondiale, émergeant du désastre, cette voix discrète, tâtonnante mais déterminée dans son souci de justesse et d’effacement, a toujours su se tenir à l’écart des formes modernes de l’idolâtrie, du culte du superficiel et du superflu. Cette voix continue de parler au lecteur contemporain. À la violence de notre siècle. À la violence de toute époque condamnée à naître ou à renaître dans une lumière blessée, dans l’ombre de la douleur.
ÉTUDES ET TEXTES DE
Nathalie J. Ferrand, Friedhelm Kemp, Antonella Anedda, David Constantine, Gabrielle Althen, Mathilde Vischer, Fabio Pusterla, Jean-Luc Steinmetz, Jiang Dandan, Pierre Carrique, Jean-Yves Masson, Valérie Zuchuat, Chantal Colomb-Guillaume, Issa Makhlouf, Kadhim Jihad Hassan, Christine Lombez, Elisabeth Edl, Wolfgang Matz, Arina Kouznetsova, Rafael-José Díaz.
Philippe Jaccottet : Trois proses. Une question de ton.
Poème
de l’instant
Lais
Tous deux comme est le chèvrefeuille
qui grimpe autour du coudrier ;
sitôt qu’ils se tiennent enlacés
il n’est plus de tronc ni de feuilles,
et peuvent alors vivre à jamais.
Mais si l’on veut les séparer,
du coudrier c’en est fini,
soudain du chèvrefeuille aussi.
« Belle amie, ainsi va de nous :
ni vous sans moi, ni moi sans vous ! »