Ce qui restera

Traduit de l’arabe par Abdellatif Laâbi

Auteur : Issa Makhlouf

Ce qui restera

« Trempée dans une encre glaciale, la plume d’Issa Makhlouf réveille nos blessures et finit par nous écorcher l’âme. Se refusant au cri, à la démonstration, au trop-plein d’indignation, elle nous met dans la situation du témoin que la culpabilité finit par envahir, de la victime ayant trop de dignité pour s’abaisser aux plaintes. Le murmure est donc roi dans ces textes. C’est le ton de la confidence, de l’invite au partage de ce que la poésie offre sans compter : émotions, plaisir intellectuel, contemplations, visions, fulgurances, évanescences, un mode de connaissance à part entière, autant d’éléments d’un voyage intérieur en gardant les yeux ouverts sur nos semblables et sur le monde où nous vivons. »

Abdellatif Laâbi

Paru le 13 octobre 2022

Éditeur : Le Castor Astral

Poème
de l’instant

Stèles

La cime haute a défié ton poids. Même si tu ne peux l’atteindre, que le dépit ne t’émeuve : Ne l’as-tu point pesée de ton regard ?
La route souple s’étale sous ta marche. Même si tu n’en comptes point les pas, les ponts, les tours, les étapes, - tu la piétines de ton envie.
La fille pure attire ton amour. Même si tu ne l’as jamais vue nue, sans voix, sans défense, - contemple-la de ton désir .

*

Dresse donc ceci au Désir-Imaginant ; qui, malgré toutes, t’a livré la montagne, plus haut que toi, la route plus loin que toi,
Et couché, qu’elle veuille ou non la fille pure sous ta bouche.

Victor Segalen, Stèles, « Stèle au désir », 1912.