Anna Akhmatova

Anna Akhmatova, de son vrai nom Anna Andreïevna Gorenko, naît le 11 juin 1889 à Bolchoï Fontan, non loin d’Odessa.
Issue d’une famille aisée de six enfants et fille d’un père ingénieur de marine, Anna apprend le français dès son plus jeune âge, et écrit, alors inspirée par Ievgueni Baratynski et Alexandre Pouchkine, ses premiers poèmes dès onze ans. C’est à ce moment que son père, par crainte que ces poèmes n’entachent la réputation de la famille, lui préconise de prendre le nom d’origine tartare de sa grand-mère, Anna Akhmatova.
En 1905, alors âgée de seize ans, Anna assiste à la séparation de ses parents et part donc, avec sa mère et ses frères et sœurs, de Tsarkoïe Selo qu’ils avaient rejoint en 1890 pour emménager à Kiev. Elle y intègre le lycée de jeunes filles Foundoukleïeva où le professeur de philosophie n’est autre que Gustav Speth. Anna entreprend ensuite des études de droit durant lesquelles elle rencontre Nikolaï Goumilev qu’elle épousera en 1910. Les jeunes mariés partent à Paris pour leur voyage de noce. Mais suite au voyage, Nikolaï délaisse Anna et part voyager deux années durant en Afrique. Anna en profite donc pour découvrir l’Europe et notamment l’Italie, dont elle adore l’architecture et où elle rencontre Amedeo Modigliano qui la dessinera.
En 1912 naît son fils Lev Goumilev qui deviendra l’un des historiens russes les plus importants, fondateur du « néo-eurasisme ».
C’est à cette époque qu’elle fonde, accompagnée d’Ossip Mandelstam et Nikolaï Goumilev entre autres, le mouvement de l’acméisme qui rompt avec le symbolisme à travers la simplicité et la concision d’une écriture nouvelle. Anna reste néanmoins profondément marquée par Pouchkine. D’autres auteurs tels que Innokenti Annenski, Paul Verlaine ou Vladimir Maïakovski, l’influenceront également.
Son premier recueil, Le Soir, paru en 1912, connaît un franc succès qui lui vaut de devenir célèbre très rapidement. De très nombreuses femmes russes essaient d’écrire « à la manière d’Anna Akhmatova ». Anna dira notamment : « J’ai appris à nos femmes comment parler, mais je ne sais pas comment les faire taire. »
En 1914, Anna publie son deuxième recueil intitulé La Rosaire. Elle entretient à cette période de nombreuses relations avec différents artistes, dont Alexandre Blok et Boris Anrep par exemple. Surnommée « Reine de la Neva » ou encore « Âme de l’Âge d’Argent », Anna est à cette époque l’une des voix les plus répandues de la poésie russe. Elle reviendra plus tard sur ces années marquantes dans un livre inspiré par Eugène Ounéguine de Pouchkine intitulé Poésie sans héros écrit entre 1940 et 1965.
À partir de 1917 et la publication de son troisième recueil La Foule, la carrière d’Anna connaît quelques difficultés. Sa vie personnelle est marquée par son divorce en 1918 de Goumilev et son mariage avec l’assyriologue Vladimir Chileïko de qui elle se sépare dès 1921. Sur le plan littéraire, la poétesse se voit qualifiée d’élément bourgeois en raison du manque présumée de pertinence de ses écrits. Sa poésie sera interdite de publication à partir de 1922 et pendant plus de trente ans.
Interdite de publication, Anna, qui vit désormais avec l’historien et critique d’art Nikolaï Pounine, gagne difficilement sa vie en traduisant Victor Hugo, Rabindranath Tagore ou Giacomo Leopardi et en éditant des essais, y compris quelques essais brillants sur Pouchkine dans des revues spécialisées. Toutefois, ces œuvres ne sont pas rendues publiques, et bien souvent, elles ne sont lues que par une poignée de lecteurs.
En août 1921, Nikolaï Goumilev est fusillé après avoir été arrêté par la Tchéka sous prétexte d’un fervent monarchisme. Pour beaucoup d’historiens, cette affaire est la première montée de toutes pièces par les services secrets des soviets, la conspiration de Tagantsev. Finalement, plus de huit cents personnes, principalement des intellectuels « susceptibles de s’opposer aux bolcheviks » sont réprimés, déportés ou exécutés. En 1935, c’est Nikolaï Pouine, le compagnon d’Anna qui est d’arrêté et déporté dans les camps staliniens. Il y mourra en 1953. Malgré le danger, Anna refuse d’émigrer, considérant, comme beaucoup, que ce serait une trahison envers sa langue et sa culture.
À partir de 1940, et grâce, entre autres, à l’apparition de la Grande guerre patriotique, Anna devient membre de l’Union des écrivains soviétiques et ses poésies paraissent mensuellement dans la revue Zvezda (L’Étoile). Elle témoigne du siège de Léningrad et son poème « Courage » est publié en 1942 à la une de la Pravda.
Mais seulement six ans plus tard, en 1946, alors que les adeptes du jdanovisme artistique sévissent de plus en plus, elle est radiée de l’Union des écrivains, pour érotisme, mysticisme et indifférence politique. Elle ne parvient plus, une nouvelle fois, à être publiée. Andreï Jdanov écrit à son sujet qu’elle est une putain et une nonne qui marie l’indécence à la prière. Ses poèmes transitent illégalement grâce au bouche-à-oreille et au samizdat, système clandestin de circulation des écrits jugés comme dissidents.
Afin de gagner la libération de son fils Lev condamné à quinze ans de travail forcé, elle publie tout de même quelques poèmes à la gloire de Staline dans l’hebdomadaire Ogoniok. Grâce à cela, Lev sera libéré au bout de sept ans.
Après la mort de Staline, en mars 1953, Akhmatova est lentement réhabilitée et réapparaît progressivement sur la scène littéraire soviétique. Elle poursuit alors la composition de ses ouvrages les plus importants, tels que Poèmes sans héros et Requiem, tous deux en hommage aux victimes de la terreur stalinienne.
Le 4 mars 1956, à la veille du troisième anniversaire de la mort de Staline, Anna dit à son amie et confidente Lydia Tchoukovskaïa : « Staline est le plus grand bourreau que l’histoire ait jamais connu. Gengis Khan et Hitler sont des enfants de chœur à côté de lui ».
À l’âge de 74 ans, deux ans avant sa mort, elle est nommée à la présidence de l’Union des écrivains.
Elle meurt le 5 mars 1966 à Moscou, et est enterrée dans la petite station balnéaire de Komarovo, près de Léningrad (Saint-Pétersbourg).
Bibliographie
Œuvres en russe
- Вечер, (Le soir), 1912.
- Чётки, (Le rosaire), 1914-1923.
- Белая стая, (Foule blanche), 1917.
- Подорожни, (Le plantain), 1921.
- Anno Domini, 1922.
- Из шести книг, 1940.
- Избранное. Стихи, 1943.
- Стихотворения, 1958.
- Requiem, 1963.
- Бег времени, 1965.
Œuvres en français
- Requiem, Traduction de Paul Valet, Éditions de Minuit, 1966.
- Le poème sans héros, illustrations de Dimitri Bouchène, la Librairie des cinq continents, 1977.
- Anthologie, Éditions de la Différence, 1997.
- En route par toute la terre, Alidade, 1995.
- Requiem, Coédition Dana & An Treizher, 1997.
- Œuvres choisies, en 2 volumes, Éditions Globe, 1998.
- Poèmes, Éditions Globe, 2000.
- Le Vent de la guerre, La Lune au Zénith, Mort, Traduction de Christian Mouze, Éditions Harpo, 2003.
- Requiem et autres poèmes, traduction et notes d’Henri Deluy, avec des poèmes d’Alexandre Blok, d’Ossip Mandelstam et Boris Pasternak dédiés à Akhmotova, Farrago, 2005.
- Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Traduction du Jean-Louis Backès, Éditions Gallimard, 2007.
- Auprès de la mer, Traduction de Christian Mouze, Harpo, 2009.
- L’Églantier fleurit, et autres poèmes, Édition bilingue, Traduction de Marion Graf et José-Flore Tappy, Éditions La Dogana, 2010.
- Anna Akhmatova. Les Poésies d’amour, Choisies, traduites et présentées par Henri Abril, Éditions Circé, 2017.